Tauromachie

Décomposition en cinq tableaux pour arriver à la forme géométrique rouge

« Tuer pour ne pas mourir, telle était la loi des premiers hommes qui habitaient cette terre. Effrayé et fasciné par le grand auroch noir, l’homme préhistorique le peignit dans les grottes rupestres, plus grand et plus impressionnant qu’aucune autre espèce animale. Un mythe prenait vie et au cours des milliers d’années qui suivirent, le taureau, victime sacrificielle, entra dans l’imaginaire des hommes.

Aujourd’hui, seul le torero perpétue ces rites ancestraux dont le sens profond nous vient de cette aube de l’humanité dont nous avons perdu la conscience et qui fait vivre cet homme avec la peur. En dirigeant ses pas vers l’arène, il change son existence en destin et le talent d’être est dans le destin ».

Lucas ou la signature de la Vie

Lucas a exécuté une série de trente tableaux de grands formats. Dans chaque toile, il a réservé un espace géométrique vierge que peindront les toreros. Cette forme géométrique rouge est œuvre à part entière puisqu’un être hors du commun y inscrit en langage secret sa vie passée, présente et à venir. Dans cet espace clos, il laisse pour toujours sur la toile, un peu de son cœur, de son esprit et de son âme.

Huile / Toile (93×73)
Huile / Toile (93×73)

Hommage à Paco Ojeda

Détail
Huile / Toile (93×73)

‘‘ Idéal et blessure ‘‘

Hommage à Nimeño

Huile / Toile (200×240)
Huile / Toile (200×240)

« Comme on regarde un négatif de photographie par transparence pour essayer de discerner l’ensemble, il faut voir la corrida de la même façon : c’est un négatif, l’ombre y est représentée. C’est le spectacle mais pas la lumière, le torero est la lumière. »

Huile / Toile (240×200)

Lucas et Miguel Litri

Huile / Toile (240×200)

Lucas, Richard Milian

« Pour la première fois, les toreros laisseront une marque apportant la touche finale sans laquelle la toile demeurerait imparfaite. Les toreros sont des artistes de génie dont l’art fugitif ne laisse d’empreinte que dans la mémoire des gens qui les admirent. »

Huile / Toile (200×240)

Lucas et Miguel Litri

Huile / Toile (200×240)

Lucas et Juan Antonio Ruiz (Espartaco)

« Cette partie rouge est le coeur du tableau, le torero par son geste lui a donné vie car c’est la sienne en son entier qu’il inscrit ici. »

Huile / Toile (200×240)

Lucas et Juan Mora

Huile / Toile (200×240)

Lucas et Juan Mora

« La représentation visuelle est abstraite. L’essentiel est seulement visible avec le coeur.
Pour la première fois un homme autre que le peintre va, par son geste, donner vie à la peinture. »

Paco Ojeda, Lucas

« Dans cette forme géométrique, Paco Ojeda laisse un peu de son coeur et de son âme pour l’éternité… « 

« Paco Ojeda regarde le tableau après son intervention. »

«…Matador courageux et orgueilleux, tu poursuis ton enfance vêtu de soleil et de lumière. Que ressens-tu quand, sortant de l’arène, les acclamations se sont tues. Ressens-tu de l’apaisement ou un grand vide, es-tu heureux ou perdu comme un enfant quand la fête est finie ?

Ma peinture sans toi reste sans vie, mais tu as aussi besoin de moi puisque je garde pour toi cette place qui te fera exister pour toujours.»

«…J’aimerais que tu emplisses cette case vide avec le sang du taureau, mais peut-être à cet instant auras-tu le désir d’y mêler le tien car bien souvent c’est lui qui a taché le sable des arènes.

Dans cet instant, ce n’est pas seulement l’homme de lumière qui s’exprimera, mais aussi celui plus secret des années de misère, des heures où personne ne vous regarde et où il faut se tenir droit quand même, celui des instants fulgurants et celui des doutes, celui des souffrances et des peurs secrètes, celui de la solitude et de la misère que l’on connaît chez des proches qui avaient le même rêve…»

«…Matador courageux et orgueilleux, tu poursuis ton enfance vêtu de soleil et de lumière. Que ressens-tu quand, sortant de l’arène, les acclamations se sont tues. Ressens-tu de l’apaisement ou un grand vide, es-tu heureux ou perdu comme un enfant quand la fête est finie ?

Ma peinture sans toi reste sans vie, mais tu as aussi besoin de moi puisque je garde pour toi cette place qui te fera exister pour ‘‘toujours’’.»

Torero, funambule condamné à briller, guerrier d’un autre âge, perdu dans notre monde d’apparence.

Huile / Toile (300×200)

«…les hommes te rendront ton identité véritable seulement si tu meurs dans l’arène, parce qu’à cet instant, tu rejoins ce qui unit les hommes et les réconcilie, tu es mortel comme eux. Tu étais à la fois leur idéal sur la terre, mais aussi leur blessure…»

Espartaco, Lucas

La forme géométrique rouge, la signature de la vie

Lucas, Pierre Restany, Henry Périer
Arène de Séville

Lucas, Pierre Restany
Milan

Lucas, Pierre Restany, Henry Périer
Milan

Pierre Restany, Richard Milian, Lucas
Avant la corrida

JUIN 1986 – CHAPELLE DU CHATEAU DE CAMBOUS

Durant cette année, je vais exécuter quinze à vingt toiles de grand format dont le thème sera le Toro et le Matador. Dans chaque tableau, je laisserai un espace vierge, triangle, rectangle, ou une autre forme géométrique qui deviendra le point essentiel et vital du tableau.

Dans ma chapelle, je demanderai à chaque Matador de peindre cette partie vierge de la toile avec du «sang de toro» et d’inscrire son nom à côté du mien. Cette partie rouge géométrique peinte par le Torero sera en fait l’unique couleur du tableau.

Pour la première fois, les Matadors laisseront une marque tangible. Ils participeront d’une manière aussi importante que le peintre à la création, apportant la touche finale sans laquelle la toile demeurerait imparfaite. Les Matadors sont des Artistes de génie dont l’Art fugitif ne laisse d’empreinte que dans la mémoire des gens qui les admirent dans les plazas ou bien sur des pellicules photos ou cinématographiques, mais ils n’interviennent jamais d’une façon physique dans cette représentation d’eux-mêmes.

Il me semble indispensable pour le présent et le futur qu‘ils apposent la touche finale, sorte d’estocade sans laquelle la peinture resterait inachevée, telle l’estocade dans la Corrida met un point final au combat entre l’homme et le Toro.

Cette partie de toile vierge peinte par le Matador sera aussi importante que l’ensemble du tableau car la peinture prendra vraiment sa vie et sa signification uniquement par cette partie qui lui rendra son identité véritable et lui donnera vie.

Toréro, n’est-ce-pas là aussi une partie de ton rêve secret ? Ne fait-il pas partie de ce rêve qui te pousse depuis ton enfance, n’est-ce-pas la clef que toi et moi cherchons depuis toujours ?

Le peuple qui t’admire ou te crie sa haine dans les arènes, s’arrête seulement à ce qu’il voit, à ce qu’il juge bon ou mauvais, suivant des critères établis par lui.

Ils ne savent pas que ce qu’ils voient dans la plaza est bien peu de choses à côté de ce que tu représentes réellement.

Pourquoi te coupe-t-on du rêve que tu représentes ? Quand les hommes te rendront-ils la dimension qui est la tienne ? Quand sauront-ils que tu es le dernier représentant, le dernier survivant d’une race d’homme à laquelle nous appartenions tous ? Quand découvriront-ils que tu perpétues une façon de vivre qui était celle des premiers hommes de cette terre ? Quand sauront-ils que tu es le dernier symbole de cet âge oublié où l’homme pour exister avait besoin de la peur pour se transcender, non pour connaître ses limites physiques, mais pour essayer d’apercevoir au fond de lui-même quelque chose d’essentiel dont il a toujours pressenti l’existence parce que dans ces instants-là, il se sent proche de la vérité universelle, proche de la création et par là-même proche de Dieu ?

Pour moi le torero est un homme qui cherche son identité profonde, c’est un homme qui vit parmi les autres hommes mais sur un chemin parallèle. S’il lui arrive de mourir, ou d’être blessé cruellement dans l’Arène, que voit-il ou que retire-t-il de ce qui est un sacrifice ?

Les hommes te rendront ton identité véritable seulement si tu meurs dans l’Arène, parce qu’à cet instant tu rejoins ce qui unit les hommes et les réconcilie, tu es mortel comme eux et ils peuvent enfin te manifester leur amour sans restriction aucune. Tu étais à la fois leur idéal sur la terre et aussi leur blessure.

On peut assimiler la tauromachie à de l’Art quant au spectacle qui nous est offert dans l’Arène. C’est un Art Éphémère et certainement par là-même un des plus beaux et des plus purs puisqu’il ne laisse aucune trace, sauf dans la mémoire des hommes.

Mais ce qui sous-tend le spectacle est beaucoup plus que de l’Art ou alors c’est l‘Art avec un grand A, le seul et unique, le plus flamboyant, et le plus profond.

Ces instants, ces secondes magiques hors du temps où le torero tend enfin à trouver cette «clef» enfouie au plus profond de nous ; le temps s’arrête un instant… puis reprend son cours. Le torero recommence et recommence encore dans des Plazas et des pays différents. Ce qui le pousse et dirige sa vie, ce sont ces quelques secondes volées où le temps s’arrête et où il se sent en communion étroite avec son instinct originel, avec ses racines les plus profondes, avec Dieu qu’il sent tout proche, qui l’observe, le regarde et guide ses pas. Dieu est en chacun de nous, mais seul le Torero dans ses instants de sublimation emprunte la voie unique qui mène à Dieu.

Le Torero est le moine combattant de nos anciennes Epopées, il est le dernier homme à rechercher le secret d’un âge oublié et ce qui guide sa vie est cette recherche perpétuelle parfois même inconsciente d’une clef, de la pièce manquante du puzzle de la vie.

L’arène pour le torero est le lieu clos où il se retrouve régulièrement pour combattre ; mais sa quête consciente ou inconsciente de l’absolu ne se limite pas au pourtour de l’arène. Elle est inscrite au plus profond de son être. Ce qui me transporte, c’est l’image de l’infini qu’il y a en toi. ll faut que je m’identifie à ton inconscient pour essayer d’appréhender ce qu’il y a d’essentiel, que peu d’êtres soupçonnent et peut-être même pas toi.

Quand le Matador prendra le pinceau et marquera de son empreinte la toile, il dépassera les limites de cette toile, et son geste lui-même, sorte de parafe de toutes ces années à essayer de se surpasser face à lui-même, au toro et au public ; funambule condamné à briller, guerrier d’un autre âge perdu dans notre monde d’apparence où l’on a besoin du public pour exister. Habitude vaine et exaspérante pour ces hommes hors du commun qui redonnent tout le sens à leur vie

seulement quand le combat commence, ces instants de vérité qui les transportent dans un autre monde, dans leur Univers fait de rêve, de courage et de peur. Rêve d’enfance qui se poursuit, innocence et désir d’absolu, danse arrogante, défi à la Bête qui est peut-être un défi inconscient aux hommes, toro projection vivante du Public de l’Arène, Matador homme seul.

Matador courageux et orgueilleux, tu poursuis ton enfance vêtu de soleil et de lumière.

Que ressens-tu quand, sortant de l’Arène, les acclamations se sont tues ?

Ressens-tu de l’apaisement ou un grand vide ? Es-tu heureux ou perdu comme un enfant quand la fête est finie ?

C’est tout cela que tu exprimeras quand, dans ton habit de lumière, tu peindras cette partie vierge, car c’est ta vie que tu signes là, tes espoirs les plus fous, tes craintes lancinantes, tes rêves passés et à venir, tel un enfant tu empliras cette case avec de la peinture rouge. Mais quand tu accompliras ce geste, toi et les autres sauront que dans ces quelques centimètres carrés c’est ta vie en son entier que tu inscris là et quelques hommes, qui t’aiment et te ressemblent, quand ils regarderont ce tableau, t’aimeront davantage pour tout ce qu’ils connaissent de toi et pour tout ce qu’ils pressentent. Chaque homme qui saura observer ce triangle ou ce carré rouge gardera en lui comme l’impression d’un rêve oublié.

Ma peinture sans toi reste sans vie, mais tu as aussi besoin de moi puisque je garde pour toi cette place qui te fera exister pour toujours.

J’aimerai que tu emplisses cette case vide avec le sang du toro, mais peut-être, à cet instant, auras-tu le désir d’y méler le tien, car bien souvent, c’est lui qui a tâché le sable de l’Arène.

Dans cette minute, ce n’est pas seulement I’Homme de Lumière qui s’exprimera mais aussi celui plus secret des années de misère, des heures où personne ne vous regarde et où il faut se tenir droit quand même, des fatigues et des poussières, celui des instants fulgurants et celui des doutes, celui des souffrances et des peurs secrètes, celui de la solitude et de la misère que l’on connaît chez des proches qui avaient le même rêve.

L’instant où tu peindras cette partie vierge en rouge, tu inscriras I’Histoire de ta vie que toi seul connais vraiment. Bien sûr, elle restera secrète mais les Hommes de cœur et d’esprit qui connaîtront ton geste pourront mieux appréhender ta vie avec ses tunnels d’ombre et ses heures de lumière.

Cette place rouge de forme abstraite représentée par un carré, un rectangle ou une autre forme géométrique est le coeur du tableau.

Chaque torero qui aura ainsi signé, religieusement sa vie, sera le révélateur de tout homme qui saura déchiffrer ce message.

C’est pour cela que je te demande Matador d’accéder à mon désir qui doit aussi devenir le tien. Toi et moi inscrirons en langage secret l’Histoire de notre vie. Seuls Dieu et la race d’hommes qui nous ressemble sauront la déchiffrer.

Lucas